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AAC - Santé mentale périnatale et migration : interroger les inégalités

Nous avons le plaisir de vous transmettre l'appel à communication pour la conférence « Santé mentale périnatale et migration : interroger les inégalités ».


La conférence aura lieu le mercredi 22 janvier 2025 au Campus Condorcet (Aubervilliers). La date limite des envois des propositions est fixée au Lundi 4 novembre 2024. Les propositions sont à envoyer à l’adresse mail: lucia.gentile@cnrs.fr


La conférence entend interroger les inégalités en santé mentale périnatale des femmes immigrées, afin de mettre en lumière de possibles actions à entreprendre pour améliorer leur prise en charge. Cet espace permettra de souligner les enjeux de la prévention et des soins des troubles psychiques des parents migrants et de leurs enfants, particulièrement en période périnatale.


Dans le cadre de cet appel à communication, nous invitons les chercheur·e·s de toute discipline (socio-anthropologie, histoire, sciences politiques, droit, philosophie, santé publique, épidémiologie, etc.) à nous faire parvenir une proposition (350 mots en français).


Appel à communication


La grossesse et la naissance d'un enfant représentent une étape de vie majeure, qui survient dans une période de vulnérabilité physique et psychologique pour les femmes. Plusieurs recherches soulignent la large occurrence des troubles psychiques pendant la période périnatale (durant la grossesse et jusqu'à un an après l'accouchement). Ils sont d'ailleurs associés à des conséquences négatives pour la mère, mais également pour l'enfant (Dayan et al. 2014, Meltzer-Brody et Stuebe 2014). La dépression, en particulier, est l'un des troubles les plus fréquent pour les femmes en âge de procréer (O'Hara et McCabe 2013) et constitue un enjeu de santé publique majeur.

En France, depuis maintenant plus de quarante ans, des recherches se sont développées autour de la périnatalité en situation transculturelle (Moro 1994 et 2017, Mestre 2016). Ces travaux sont avant tout cliniques et sont nés dans les territoires dans lesquels les immigrés étaient les plus présents. Ils sont partis du constat épidémiologique des vulnérabilités des femmes immigrées[1], qui entraînent plus de dépression, plus de morbidité et de mortalité, plus de césariennes et d’accouchements dystociques en rapport avec un contexte souvent précaire et une évaluation médicale inattentive (Mestre 2016). Cette conférence souhaite mettre en évidence l'impact inégal des troubles psychiques dans la période périnatale selon une lecture intersectionnelle (Falah-Hassani et al. 2015). Les théories intersectionnelles nées en Outre-Manche, sont le fruit de théories féministes : elles mettent en évidence les points d’intersection du genre, de la race et de la classe, qui permettent de mieux comprendre les expériences de violences vécues par les femmes les plus en marge (Crenshaw 2005). En France à l’heure actuelle, les femmes immigrées peuvent subir différents systèmes de domination qui sont en lien avec leurs rapports aux institutions à leur situation administrative, ainsi qu’aux préjugés raciaux et culturels des soignant.es et des travailleurs sociaux, alors qu’elles font face très souvent à des situations inédites de solitude, de violences sexuelles et d’enfants à élever seules. L'analyse multidisciplinaire et intersectionnelle des parcours de soins donne la possibilité de rendre manifestes les vulnérabilités et les obstacles qui peuvent influencer la relation de soins et la santé psychique des mères immigrées, a fortiori si elles sont arrivées récemment en France : l’isolement social, la précarité socioéconomique, le statut légal, la barrière de la langue, mais aussi la méconnaissance du système de soins, et les représentations du corps.

Les formes de vulnérabilité se sont également modifiées depuis que les parcours migratoires sont devenus longs et très dangereux, particulièrement pour les femmes (Schmoll 2020). Elles sont de plus en plus nombreuses à déclarer avoir été exposées à des traumatismes graves, souvent sexuels, qui aggravent leur santé et celle de leur bébé (Dozio et al. 2015). Cet aspect est souvent ignoré et mal documenté. Ainsi, les femmes immigrées sont confrontées à des obstacles structurels mais aussi à des facteurs socio-culturels qui peuvent les empêcher de rechercher de l'aide ou d’exprimer leur mal-être. Ceci retarde ou entrave le repérage de vulnérabilités psychiques et la prise en charge des troubles psychiques s’ils se développent. Les inégalités territoriales ont aussi un grand impact : la dégradation de la santé périnatale montrée par les derniers indicateurs épidémiologiques laisse apparaître de nombreuses disparités entre les départements, notamment dans les DROM (ENCMM 2021).  Enfin, le racisme et la discrimination auxquels elles sont exposées, que ce soit de façon individuelle ou systémique, ont des répercussions sur leur état de santé mentale qui ne sont que trop peu explorées en France, contrairement à d'autres pays comme le Canada (Battaglini et al. 2020).


Objectif de la conférence

La conférence veut donc interroger les inégalités en santé mentale périnatale des femmes immigrées, afin de mettre en lumière de possibles actions à entreprendre pour améliorer leur prise en charge. Cet espace permettra de souligner les enjeux de la prévention et des soins des troubles psychiques des parents migrants et de leurs enfants, particulièrement en période périnatale. En outre, la conférence permettra de continuer à documenter les facteurs sociaux promoteurs d’inégalités, dans une optique de justice reproductive (Ross et Solinger 2017) et plus largement de justice sociale.

Dans le cadre de cet appel à communication, nous invitons les chercheur·e·s de toute discipline (socio-anthropologie, histoire, sciences politiques, droit, philosophie, santé publique, épidémiologie, etc.) à nous faire parvenir une proposition. Celles-ci devront s’ancrer dans au moins un des axes de recherche indiqués ci-dessous, qui ne sont pas exhaustifs.


Axe 1: Accoucher loin de son pays d’origine

La culture des personnes ou des groupes est identifiée par différentes études comme un facteur possible de développement de pathologies (Moro 1994, Sicot et Touhami 2015). Cela peut intervenir à plusieurs niveaux: dans le rapport aux services de santé ; dans les recours thérapeutiques ; dans l’adhésion à un système étiologique et/ou thérapeutique plus ou moins divergent de celui qui prévaut majoritairement dans les institutions et les politiques de santé ; dans le rapport que l’individu entretient à son corps et à sa subjectivité, ainsi qu'à la maladie ; ou encore dans l’expression de la douleur et la présentation des symptômes (Sicot et Touhami 2015). Bien que l’acculturation et l’adaptation à une nouvelle culture soient des évolutions évidentes (la culture d’une personne ou d’un groupe n’est jamais figée), il est important de souligner que la grossesse et la naissance sont des passages d’une période de vie à une autre particulièrement importants ; les aménagements subjectifs qu’ils entraînent doivent être socialement et culturellement entourés.

Le panel souhaite rassembler des recherches qui interrogent la dimension interculturelle et transculturelle de la santé mentale périnatale et qui analysent l’impact de cette dimension dans la prise en charge des femmes en situation de migration. Quelle est la pertinence d’une attention à la culture des femmes enceintes immigrées ? Comment tenir compte de la dimension interculturelle dans la relation des soins ? Comment permettre une confrontation et une possible hybridation des systèmes de représentations et des pratiques corporelles et de maternage dans le domaine clinique et en maternité ? Comment innover des pratiques en relation avec des situations inédites produites par la migration ?


Axe 2 : Soins différenciés, discriminations et violences dans les soins

Les femmes immigrées sont à l’origine de presque un quart des naissances vivantes en France (Insee 2022). Cependant, leur suivi prénatal et postnatal est montré par différentes études comme inadéquat par rapport aux recommandations. Les recherches quantitatives soulignent aussi que les femmes immigrées sont plus susceptibles d'avoir des accouchements avec de nombreuses  interventions, et notamment un taux élevé de césariennes (Linard et al. 2019) ou, au contraire des grossesses moins suivies (Eslier et al. 2020). Les études sociologiques révèlent qu’elles sont plus sujettes à subir des processus de racisation, des discriminations dans l'accès aux soins et des soins différenciés (Sauvegrain 2012, Sauvegrain et al. 2017). En particulier, la race et la classe s’articulent - voire se potentialisent - pour produire des oppressions spécifiques pour les femmes non blanches, qui peuvent être invisibilisées dans la relation de soins (El Kotni et Quagliariello 2021). De plus, les femmes nées dans certains pays d’Afrique subsaharienne, d’Asie du Sud-Est et d’Amérique du Sud ont une mortalité 2,8 fois plus élevée que celle des femmes nées en France (ENCMM 2021). Une revue de la littérature montre que les femmes issues des classes sociales les moins favorisées ou étrangères ou ethnicisées connaissent davantage de risques de subir des violences obstétricales et gynécologiques (Anderson et al. 2017). Ceci a un impact sur le vécu de l'expérience de la grossesse et de la naissance, en augmentant la possibilité de développer des troubles mentaux.

Le panel souhaite interroger les pratiques et les parcours de soins des femmes immigrées dans la période périnatale. En passant d’une analyse macro-sociale des politiques publiques à une analyse plus micro-sociale des pratiques des acteurs (soignant.es comme soignées), les communications permettront de mettre en lumière la présence du racisme et des violences systémiques avancés par des chercheur.ses et acteur.trices de terrain (Azria et al. 2020), de cartographier le caractère des soins différenciés en maternité et d’interroger l’impact de ce cadre sur la santé mentale périnatale des femmes immigrées. En même temps, les communications pourront documenter les actes de résistance, d'évitement ou de négociations des patientes dans le système de soin.


Axe 3: Précarité et précarisation

La notion de précarité peut se définir comme une situation où « l’absence d’une ou [de] plusieurs des sécurités, notamment celle de l’emploi, ne permet pas aux personnes et familles d’assumer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales et de jouir de leurs droits fondamentaux » (Wresinski 1987). Bien que toutes les femmes immigrées ne soient pas confrontées à la précarité, celle-ci lorsqu’elle est présente, a un impact important sur la santé mentale, en particulier dans une période de vulnérabilité telle que la naissance. Différents types de précarité – d'emploi, de logement, financière, alimentaire, relationnelle, sanitaire – peuvent fréquemment s'additionner voire se potentialiser. Souvent la précarisation des droits au séjour a un impact sur la santé mentale des individus et ajoute à une précarité matérielle, une précarité existentielle. Outre le stress potentiel que peuvent susciter les remaniements physiques et psychiques qu’implique une grossesse chez toute femme, les femmes immigrées enceintes doivent souvent faire face à un cumul de facteurs de risque psychosociaux qui interagissent entre eux, et exacerbent le stress éprouvé durant la grossesse (Ratcliff et al. 2014).

Mettre en lumière la stratification des différentes précarités vécues par des femmes immigrées en période périnatale, permet de travailler avec une approche intersectionnelle sur les inégalités sociales et leur impact sur la santé mentale des mères et des enfants. Réfléchir à la prévention ou à la création de pratiques qui permettent d’anticiper la prise en charge ou de l’optimiser, permettra d’en bénéficier sur le long terme.

 

 

Modalités de soumission

·   Format : Indiquez votre statut, le(s) axe(s) de votre proposition, le titre et écrire un résumé de 350 mots maximum (sans compter la bibliographie). Les propositions doivent être rédigées en français et les communications auront lieu en français.

·    Terrains : Cet appel s’adresse à des chercheur·e·s travaillant sur des terrains en France métropolitaine et dans les territoires français d’Outre-Mer mais aussi sur des terrains internationaux.

·      Date limite d’envoi : Lundi 4 novembre 2024.

·      Envoi des propositions à l'adresse mail : lucia.gentile@cnrs.fr

·      Réponses : fin novembre 2024



Comité d'organisation

Priscille Sauvegrain (Sorbonne Université, INSERM et ICM - Health) et Lucia Gentile (Cn2r et ICM - Health)



Comité scientifique

Elie Azria (Université Paris Cité, Inserm et ICM - Health), Gwen Le Goff (Lyon 2 et ICM - Health, Policy), Maria Melchior (Inserm et ICM - Health) et Claire Mestre (CHU de Bordeaux).

 

 

 

 

 

Conférence organisée avec le soutien financier de l'Institut Convergences Migrations.


[1] Avec ce terme nous faisons référence à la définition adoptée par le Haut Conseil à l’Intégration, qui caractérise toute personne née étrangère à l’étranger et résidant en France. Conscients du poids des mots et de la connotation péjorative de nombreux termes liés à la migration, nous avons décidé d'utiliser ce mot même si nous ne le considérons pas sans problème.

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